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LE RAISIN VERT

— Qu’y a-t-il ? Une petite fille malade ? C’est la chaleur. Qui a de l’eau de Cologne ? Du vinaigre, au réfectoire, courez chercher du vinaigre…

Puis tout le monde s’écarte. Isabelle vient d’arriver. Sans un mot, elle se penche, elle soulève la petite fille qui ouvre les yeux, la charge sur son épaule, comme un agneau mort. Tout le monde se tait.

Mme Durras se tourne vers son mari :

— Voulez-vous aller chercher une voiture ?

Et M. Durras rassemble son chapeau, ses gants, sa canne et disparaît comme une queue de rat sous une porte.

Ils s’en revenaient tous les cinq vers la maison, dans un vieux, vaste fiacre qui sentait la pluie et la couverture de cheval.

La petite fille avait tout à fait repris ses sens et affirmait qu’elle se sentait très bien. Non, ce n’était pas désagréable de s’évanouir, au contraire.

— Comment, au contraire ? demanda Isabelle, tout bas.

Mais elle n’obtint aucune réponse, car le Corbiau n’aurait su s’expliquer davantage. Elle savait seulement que cette syncope était arrivée à point pour dénouer les rets qui se resserraient sur son cœur et l’étouffaient.

À présent, elle allait guérir, tout doucement, en tâchant d’éviter les allusions qui renouvellent un mal, ces allusions dont le monde est plein, par exemple les mots « linon », « café », ou la chanson : Embrasse-moi, Ninette… Le jour où elle ne souffrirait plus de ces allusions, elle serait tout à fait guérie. D’ici là, ce serait la convalescence, aux rayons du soleil d’Isabelle.

Isabelle essayait d’ausculter le silence de cette petite tête appuyée à son épaule. Mais déjà ce n’était