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TROIS PARMI LES AUTRES

lège des prêtresses de l’amitié où l’on enseignerait une coquetterie à rebours. C’est une science infiniment plus délicate que l’autre : elle remonte la pente de l’instinct au lieu de la descendre. Elle a, comme l’autre, ses gestes, son vocabulaire et ses brutalités voulues qui sont des délicatesses mais la part de l’initiative personnelle y est bien plus large, car les cas d’espèce sont innombrables — et les ruses de l’espèce aussi sont innombrables.

— Allez ! dit Annonciade, emballée. On fonde le collège des prêtresses de l’amitié. Tu veux bien de moi pour monitrice ? Mais tu me rédigeras mon cours, par exemple.

— On prendra l’abbé Graslin pour aumônier, suggéra Suzon.

Toutes trois éclatèrent de rire

— Si on le lui proposait ?

— Quelle tête ferait-il ?

— Je parie qu’il trouverait l’idée très rigolotte. Il ne s’effarouche pas facilement, c’est bon signe. Je crois qu’il a pas mal de dispositions à un copinage bourru : en lui faisant faire beaucoup de rugby et de motocyclette, la Sainte Vierge aidant, on le tiendrait. Seulement, une condition sine qua non : qu’il enlève sa soutane. Un simple caleçon de bain sera beaucoup moins dangereux pour la paix des prêtresses. Il faudra aussi qu’il renonce à Massenet.

— Non, dit Annonciade, étouffant de rire, ce qu’on peut dire de bêtises… Si les gens nous entendaient…

— Mais personne ne nous entend. Moïse, dégoûtant, veux-tu laisser cette sauterelle ! Ce qu’on est tranquilles, toutes seules…