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Page:Ratel - Trois parmi les autres, 1946.djvu/130

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XI


Éveillée plus tôt que de coutume, Antoinette entendit sur les vitres les bonds secs de la pluie qui commençait à tomber, à fortes gouttes isolées.

Du fond de son lit, elle frémit de plaisir de la tête aux pieds. Elle croyait sentir dans ses membres la joie de la terre sous l’averse et le rêve confus des limaces rouges qui traînent leur corps de caoutchouc dans l’odeur de noix des chemins mouillés.

La pluie redouble. Sur les feuilles, sur le sol, elle bat une musique de tambour arabe. Antoinette saute à bas de son lit, s’enveloppe d’un peignoir et court à la fête, la tête et les pieds nus.

Sous ses orteils, le relief du gravier mouillé ; chaque petit caillou, hier annihilé dans une masse brûlante, reprend conscience de lui-même. Sur son front, le choc des gouttes, comme de mille insectes durs qui s’éparpillent.

Le vert de l’herbe tourne au bleu. Au bout de l’allée, les feuilles du lilas, petits cœurs aigus, inclinés, ruissellent. La pulsation de la joie est si impérieuse qu’Antoinette voudrait danser. Mais elle n’ose, car elle a toujours un peu honte devant elle-même.

L’eau qu’elle boit au creux de ses paumes a