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TROIS PARMI LES AUTRES

ment faisait une cour endiablée à Suzon. Tant mieux, qu’ils s’amusent ! Aucun des deux n’était de nature à prendre les choses au tragique. Leur jeu, tantôt bêta, tantôt charmant, s’harmonisait avec le souffle de la ronde des ombres, qui recommençait de tourner.

Chérubin porte veston, il a des yeux de moire verte et dorée, pailletés d’étincelles, un nez à la Spinelly, une grande bouche fraîche d’ogre enfant. Petit Gigolo, comme disait Annonciade, gentil gigolo… Antoinette jouissait fémininement, mais sans aucun trouble, du charme juvénile de son camarade.

Almaviva… Robert ? Il avait été méchant tout à l’heure, ce n’était pas de sa faute. Plutôt de sa faute à elle. Elle avait dû le froisser sans le vouloir. Pourquoi l’orgueil masculin ne serait-il pas aussi absurdement sensible que l’orgueil féminin, dont elle connaissait bien les sursauts ? Il fallait tâcher de comprendre les hommes, ne pas commettre la faute qu’ils commettent si souvent. Pas d’intransigeance, Antoinette, pas d’intransigeance. Comme la voix de Robert est douce, avec des sonorités graves, quand il parle à la petite Annonciade. Écoute cette musique de bronze, Antoinette…

Et Annonciade qui l’écoute aussi, saisie tout à coup parce qu’il fait presque noir, que Robert vient d’allumer une cigarette dont on voit le bout lumineux et que l’accord de cette luciole et de la voix mâle… où donc, quand, a-t-elle éprouvé l’esquisse de cette sensation ?

« Il est bien que Robert admire Annonciade, qu’il s’occupe d’elle. Elle est si délicate, si rare,