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TROIS PARMI LES AUTRES

S’il la connaissait comme je la connais… Nous parlerons d’elle tous les deux, »

Elle engage un dialogue imaginaire avec Robert à propos d’Annonciade. C’est comme s’ils étaient tous les deux au sommet d’un escalier et qu’Annonciade fût en bas. D’en haut, ils la regardent et s’extasient sur les charmes de son âme et de sa personne. Ils l’admirent, ils l’aiment. N’empêche qu’ils sont en haut et elle en bas — et que sous chacune de leurs phrases vibre ce leit-motiv « C’est toi l’Unique » — et que, dans l’enthousiasme avec lequel Antoinette vante son amie à son amant, il entre un peu du désir de faire admirer la propre noblesse de son âme inaccessible à la jalousie…

Mais la rêveuse envolée dans son rêve ne voit rien de tout cela. Décidément, ce soir, Miss Everthinking est bien inférieure à sa réputation. Pendant ce temps, Robert à mi-voix enchante sa captive :

— Vous me rappelez une petite Ouled Naïl, une ravissante enfant, toute jeune… mais elle avait les cheveux courts et bouclés, à l’Antinoüs. Vous seriez délicieuse, coiffée comme elle.

— Vous croyez que je devrais couper mes cheveux ?

— Ils sont bien beaux. Mais je crois que cette coiffure à laquelle je pense vous irait divinement…

— J’ai voulu me les faire couper l’année dernière. J’en avais assez de me coiffer. Ils sont si longs, si épais… C’est une scie, vous savez, tous les matins… Mais Antoinette a dit que j’allais les abîmer ; que je serais banale…

— Ah ! Antoinette a dit ça ? Et vous lui avez