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TROIS PARMI LES AUTRES

avec un malaise grandissant l’odeur de clinique et de parfumerie bon marché qui refluait de l’intérieur de la boutique.

Deux hommes étaient assis, à qui l’on faisait la barbe. La pâte de savon qu’on étalait sur leurs joues était d’une matité et d’une mollesse écœurantes. Leurs cous rouges et gras débordaient sur le peignoir blanc.

— Non, dit Annonciade. Je ne suis pas encore décidée. Elle fit un mouvement, comme pour s’en aller. Mais alors la main de Robert se posa sur son épaule et le visage brun se pencha vers le sien, avec une expression de patience délibérée, de tendresse et d’ironie.

— Voyons, mon petit, ce n’est pas sérieux ? Voilà quinze jours que nous pesons le pour et le contre et soixante-douze heures que vous avez dit oui. C’est ça que vous appelez l’esprit de décision ?

— Mais il y a des hommes, balbutia la petite.

— Ils ne vous mangeront pas. D’ailleurs, il y a un salon pour dames. Vous voyez bien.

— Mais s’ils m’abîment…

— C’est le meilleur coiffeur d’Avallon pour la coupe des cheveux, bien qu’il ne paie pas de mine. Je me suis renseigné.

Annonciade regarda le bout de ses souliers. Elle éprouvait une légère irritation mêlée de honte à imaginer Robert s’occupant gravement de ces détails féminins et dressant un plan de campagne pour arriver à lui faire couper les cheveux. Mais en même temps, cela lui était doux, car il s’occupait d’elle.

Une autre question la préoccupait : permettrait-