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V

La salle à manger, qui occupait le milieu du corps de logis central, commandait toutes les chambres, distribuées à droite et à gauche de sa plus longue dimension, car elle s’ouvrait, d’un côté sur le parc, de l’autre sur la cour, par deux portes-fenêtres.

Les deux premières chambres de droite avaient en outre un dégagement indépendant : une petite porte à loquet ouvrant sur l’escalier casse-cou qui faisait communiquer la salle à manger et les cuisines. Toutes les deux donnaient, par leur troisième porte, sur une autre pièce, parallèle à la salle à manger et de mêmes dimensions. C’était un ancien salon dont on avait fait la chambre d’honneur. Son long parquet ciré était un océan d’ennui sur lequel flottaient une table d’ébène, deux commodes Louis-Philippe, une armoire à glace, un grand lit de palissandre et des tapis ronds qui désespéraient de jamais se rejoindre. Suzon la baptisa sur-le-champ « la galerie d’Apollon ».

À côté, un grand cabinet de toilette-penderie, où l’on ne serait pas surpris de trouver, derrière les rideaux tirés sur leurs tringles, les femmes de Barbe-Bleue accrochées en bon ordre, est éclairé par deux hautes fenêtres qui laissent voir, cette nuit, la descente des prés glacés de lune entre le