Page:Rattazzi - Le piège aux maris, 1865.djvu/81

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suffisante pour croire à l’amour ? Quand, après deux ou trois ans de possession, un homme ne se présentera qu’en tenue d’amant devant sa maîtresse ; quand sa maîtresse, s’il l’embrasse, toute habillée, ne pensera ni à sa robe ni à son chapeau, ce jour-là, je croirai à l’amour. La possession, en un mot, voilà la pierre de touche ! Ce qu’on appelle l’amour n’est que le désir exalté ; – le désir réalisé, bonsoir !

– Pratiquez-vous ?

– Le moins possible. J’ai une maîtresse, c’est-à-dire une habitude, et, à moins qu’elle ne meure, je n’en aurai pas d’autre. Quant aux caprices, cela ne vaut pas la peine que cela donne, ma parole !

Celui qui parlait ainsi était un grand garçon de trente ans environ, assez laid, qui avait dans la mise et les allures un peu de cet abandon propre aux artistes et aux hommes d’étude, que le travail absorbe et rend plus indifférents que les autres aux choses extérieures de leur individu. Son compagnon, au contraire, était d’une beauté qui semblait idéale, car elle était complète. Ses cheveux châtain-clair paraissaient blonds, tant leur soie était fine ; il avait l’œil bleu des Francs, une bouche