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Page:Rattazzi - Le piège aux maris, 1865.djvu/89

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dont les traits flétris par l’âge avaient dû être très beaux.

Ordinairement silencieuse, elle était de ces femmes qui ne parlent jamais sans utilité. Elle disait le prix de ses chiffons à ses grisettes et présentait, sans phrases, ses grisettes à ses messieurs ; on l’avait mandée rue de Jérusalem, afin de lui réclamer ses services en échange de la tolérance qu’on lui accordait. Elle avait refusé net, et elle avait continué son commerce sans être inquiétée. Sa seule vanité était de se vanter de ce refus. – Je me moque d’eux ! disait-elle. J’ai des protections plus haut ! Une rivale qui l’avait espionnée prétendait que madame Antoine était protégée par l’Église ; mais personne n’avait ajouté foi à ce bruit. Madame Antoine ne recevait pas d’autres visites que celles de ses clients ; du moins elle ne voyait personne de son voisinage et, sauf sa cuisinière, une Normande fort rouge et fort laide, elle n’admettait âme qui vive dans son intimité. Elle se couchait à neuf heures du soir et ne se levait qu’assez tard le matin.

Son magasin, situé dans le haut de la rue des Martyrs, était étroit et peu profond. La devanture,