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Page:Rattazzi - Le piège aux maris, 1865.djvu/88

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les méprisent ; eux méprisent l’opinion des autres et la traitent de préjugé.

Madame Antoine était ainsi faite. – Eh quoi ! se disait-elle, les mauvais instincts, la coquetterie, l’horreur du travail, l’amour du luxe poussent chaque jour des centaines de jeunes filles pauvres à tenter une vie aventureuse, et l’on me blâmerait d’agir comme je le fais. Mais, si je n’existais pas, s’arrêteraient-elles sur la pente ? Non, sans doute. Eh bien ! pourquoi, alors, ne pas leur faciliter la chute ? J’en retire un bénéfice, il est vrai. Mais, sans moi, elles débuteraient plus misérablement qu’elles ne le font par mes soins ; et je fais une bonne action, en même temps qu’une affaire. À quelqu’un qui est bien résolu de mourir, mieux vaut un bon poison qui le tue sur l’heure, qu’un autre qui lui donnerait, huit jours durant, des coliques avant de l’emporter !

Si madame Antoine ne faisait pas ces raisonnements tout haut, comme une héroïne de roman, à coup sûr, elle les avait faits tout bas ; et il en était résulté une conviction, car sa conscience était tranquille, elle dormait bien, et une sérénité parfaite régnait sur son visage,