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Page:Raymond Clauzel L'Ile des femmes 1922.djvu/22

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l’île des femmes

grande. La célébrité lui semblait promise, tellement il était marqué du signe de l’intelligence et de la supériorité. Devenir un écrivain de la nature comme Buffon, un grand voyageur ainsi que Bougainville ou Cook, tel était son rêve. Autrement, la société, avec ses pompes et ses œuvres, ne l’intéressait point. Formé à l’école de Pintarède et de Loumaigne, ses maîtres, en dépit de ses vingt ans, il jouissait de ce détachement philosophique qui refroidit les mets de la table, ignore l’amour, les femmes et le plaisir.

Dyonis de Saint-Clinal, dans sa voie privilégiée, eut le bonheur rare d’être encouragé par son père, compris, soutenu, et, ce qui était l’efficace, doté par lui avec une royale munificence. Devant la passerelle, après la dernière accolade d’adieu, le riche armateur dit simplement à sa géniture : « Escales partout où vous voudrez ; itinéraire à votre fantaisie ; lettres de change pour tous endroits où se négocient des effets de commerce. Allez, Monsieur mon fils. Bon voyage ! Que Dieu vous ait sous sa sainte garde. Votre mère pleure. Je suis ému aussi. Pourtant, je me félicite de votre départ, car je songe à l’homme accompli que vous serez à votre retour, lorsque vous aurez vu tant de choses ! »

Les sept frères de Dyonis, colonnes vivantes de cette famille prospère, partaient de moitié avec lui. Leur imagination embarquait, déjà éblouie par l’aventure. Le peuple rassemblé pour ce départ sensationnel et mystérieux ne put d’empêcher de manifester par éclats de voix ses vœux d’heureuse