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des deux Indes.
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venir aux mains. Cette animoſité qui augmentoit toujours, les détermina à ſe rembarquer, au moment qu’on les avertit qu’il y avoit un complot pour les égorger. Albuquerque, qui s’affermiſſoit dans ſes idées par les obſtacles & par les murmures, prit le parti d’affamer la place, & de fermer le paſſage à tous les ſecours. Sa proie ne lui pouvoit échapper, lorſque trois de ſes capitaines l’abandonnèrent honteuſement avec leurs vaiſſeaux.

Pour juſtifier leur défection, ils ajoutèrent à la noirceur de leur infidélité, celle d’imputer à leur général les crimes les plus atroces.

Cette trahiſon força Albuquerque à renvoyer l’exécution de ſon projet au tems qu’il ſavoit n’être pas éloigné, où il auroit à ſa diſpoſition toutes les forces de ſa nation. Dès qu’il fut devenu vice-roi, il reparut devant Ormuz avec un appareil, auquel une cour corrompue, un peuple amolli, ne ſe crurent pas en état de réſiſter. On ſe ſoumit. Le ſouverain de la Perſe oſa demander un tribut au vainqueur. Albuquerque fit apporter devant l’envoyé des boulets, des grenades & des ſabres. Voilà, lui dit-il, la monnoie des tributs que paie le roi de Portugal.