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Histoire philosophique
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les cérémonies qui font mouvoir cette nation, donnent plus d’exercice à la mémoire qu’au ſentiment. Les manières arrêtent les mouvemens de l’âme, en affoibliſſent les reſſorts. Trop occupés des objets d’utilité, les eſprits ne peuvent pas s’élancer dans la carrière de l’imagination. Un reſpect outré pour l’antiquité, les aſſervit à tout ce qui eſt établi. Toutes ces cauſes réunies ont dû ôter aux Chinois l’eſprit d’invention. Il leur faut des ſiècles pour perfectionner quelque choſe ; & quand on penſe à l’état où ſe trouvoient chez eux les arts & les ſciences il y a trois cens ans, on eſt convaincu de l’étonnante durée de cet empire.

Peut-être encore faut-il attribuer l’imperfection des lettres & des beaux-arts, chez les Chinois, à la perfection même de la police & du gouvernement. Ce paradoxe eſt fondé ſur la raiſon. Lorſque chez un peuple la première étude eſt celle des loix ; que la récompenſe de l’étude eſt une place dans l’adminiſtration, au lieu d’une place d’académie ; que l’occupation des lettrés eſt de veiller à l’obſervation de la morale, ou à la manutention de la politique : ſi cette nation