Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v10.djvu/218

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de la milice achemine au deſpotiſme. Les troupes nombreuſes, les places fortes, les magaſins & les arſenaux, peuvent empêcher les invaſions : mais en préſervant un peuple des irruptions d’un conquérant, ils ne le ſauvent pas des attentats d’un deſpote. Tant de ſoldats ne font que tenir à la chaîne des eſclaves tout faits. L’homme le plus foible eſt alors le plus fort. Comme il peut tout, il veut tout. Par les ſeules armes, il brave l’opinion & force les volontés. Avec des ſoldats, il lève des impôts ; avec des impôts, il lève des ſoldats. Il croit exercer & manifeſter ſa puiſſance, en détruiſant ce qu’il a créé ; mais il travaille dans le néant & pour le néant. Il refond perpétuellement ſa milice, ſans jamais retrouver une force nationale. C’eſt en vain qu’il arme des bras toujours levés ſur la tête du peuple. Si ſes ſujets tremblent devant les troupes, ſes troupes fuiront devant l’ennemi. Mais alors la perte d’une bataille eſt celle d’un royaume. Tous les cœurs aliénés volent d’eux-mêmes ſous un joug étranger, parce qu’avec un conquérant, il reſte de l’eſpérance, & qu’avec un deſpote, on ne ſent que la crainte.