Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v4.djvu/20

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J’écris l’hiſtoire, & je l’écris preſque toujours les yeux baignés de larmes. L’étonnement a quelquefois ſuccédé à la douleur. J’ai été ſurpris qu’aucun & ces farouches guerriers n’ait préféré la voie ſi sûre de la douceur & de l’humanité, & qu’ils aient tous mieux aimé ſe montrer comme des tyrans que comme des bienfaiteurs. Par quel aveuglement étrange n’ont-ils pas ſenti qu’en dévaſtant les contrées dont ils s’emparoient, ils ſe nuiſoient à eux-mêmes, & qu’ils renonçoient par leur cruauté à une poſſeſſion plus tranquille & plus lucrative ? On aſſure que dans les contrées où l’homme n’avoit point encore paru, les animaux les plus timides, s’approchèrent de lui ſans frayeur. On ne me perſuadera jamais qu’au premier aſpect de l’Européen, l’homme ſauvage ait été plus farouche que les animaux. Ce fut sûrement une fatale expérience qui l’inſtruiſit du péril de cette familiarité.

Quoi donc, les nations ſeront-elles plus cruelles entre elles que les ſouverains les plus oppreſſeurs envers leurs ſujets ? Les ſociétés dévoreront donc les ſociétés ! l’homme ſera plus méchant que le tigre ! la raiſon ne lui aura été donnée que pour lui tenir lieu de