Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v4.djvu/340

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Ses mœurs étoient trop auſtères. L’égalité à laquelle ils étoient réduits & dont il leur étoit impoſſible de ſe tirer, éloignoit entre eux toute ſorte d’émulation. Un Guaranis n’avoit aucun motif de ſurpaſſer un Guaranis. Il avoit fait aſſez bien, ſi l’on ne pouvoit ni l’accuſer, ni le punir d’avoir mal fait. La privation de toute propriété n’influoit-elle pas ſur ſes liaiſons les plus douces ? Ce n’eſt pas aſſez pour le bonheur de l’homme d’avoir ce qu’il lui ſuffit ; il lui faut encore de quoi donner. Un Guaranis ne pouvoit être le bienfaiteur, ni de ſa femme, ni de ſes enfans, ni de ſes parens, ni de ſes amis, ni de ſes compatriotes ; & aucun de ceux-ci ne pouvoit être le ſien. Son cœur ne ſentoit aucun beſoin. S’il étoit ſans vice, il étoit auſſi ſans vertu. Il n’aimoit point, il n’étoit point aimé. Un Guaranis paſſionné auroit été l’être le plus malheureux ; & l’homme ſans paſſion n’exiſte, ni dans le fond d’un bois, ni dans la ſociété, ni dans une cellule. Je ne connois que l’amour, qui s’irrite & s’accroît par la gêne, qui pût y gagner. Mais croira-t-on qu’il ne reſtât rien aux Guaranis du ſentiment de leur liberté ſauvage ? Mais négligez tout ce qui précède,