Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v5.djvu/336

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

leur épée & leur audace, dont ils firent un ſi terrible uſage en Amérique. Là, ennemis de tous, redoutés de tous, ſans ceſſe exposés aux périls extrêmes, ils devoient regarder chaque jour comme le dernier de leur vie, & diſſiper la richeſſe comme ils l’avoient acquiſe ; s’abandonner à tous les excès de la débauche & de la profuſion ; au retour d’un combat porter dans leurs feſtins l’ivreſſe de la victoire ; enlacer de leurs bras ſanglans leurs maitreſſes ; s’aſſoupir un moment dans le ſein de la volupté, & ne ſe réveiller que pour aller à de nouveaux maſſacres. Indifférens où ils laiſſeroient leurs cadavres, ſur la terre ou dans le ſein des eaux, ils devoient regarder d’un œil également froid la vie & le trépas. Avec un cœur féroce & une conſcience égarée, ſans liaiſons, ſans parens, ſans amis, ſans concitoyens, ſans patrie, ſans aſyle, ſans aucun des motifs qui tempèrent la bravoure par le prix qu’ils attachent à l’exiſtence, ils devoient ſe livrer en aveugles aux tentatives les plus déſeſpérées. Incapables de ſupporter l’indigence & le repos ; trop fiers pour s’occuper de travaux communs, s’ils n’avoient pas été