Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v5.djvu/97

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’on vouloit qu’ils priſſent ; & une averſion inſurmontable pour le travail, les ramenoit naturellement dans leurs forêts, où ils avoient paſſé leur vie ſans rien faire. Ceux même qui étaient contenus par l’autorité ou les ſoins paternels de leur légiſlateur, ne manquoient guère de ſe diſperſer à la moindre abſence qu’il faiſoit. Sa mort enfin entraînoit la ruine entière de l’établiſſement.

Il eſt impoſſible qu’un lecteur qui réfléchit ne ſe demande pas à lui-même, par quelle étrange manie, un individu qui jouit dans ſa patrie de toutes les commodités de la vie, peut ſe réſoudre à la fonction pénible & malheureuſe de miſſionnaire ; s’éloigner de ſes concitoyens, de ſes amis, de ſes proches ; traverſer les mers pour aller s’enfoncer dans les forêts ; s’expoſer aux horreurs de la plus extrême misère ; courir à chaque pas, le péril d’être dévoré des bêtes féroces, à chaque inſtant celui d’être maſſacré par des hommes barbares ; s’établir au milieu d’eux ; ſe prêter à leurs mœurs ; partager leur indigence & leurs fatigues ; reſter à la merci de leurs paſſions ou de leurs caprices, auſſi long-tems au moins qu’il le faut pour ap-