Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v5.djvu/99

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profond ennui depuis qu’il étoit rentré dans ſon pays, & qui ſoupiroit ſans ceſſe après ſes chers ſauvages : mon ami, vous ne ſavez pas ce que c’eſt que d’être le roi, preſque le dieu d’une multitude d’hommes qui vous doivent le peu de bonheur dont ils jouiſſent, & dont l’occupation aſſidue eſt de vous en témoigner leur reconnoiſſance. Ils ont parcouru des forêts immenſes ; ils reviennent tombant de laſſitude & d’inanition ; ils n’ont tué qu’une pièce de gibier, & pour qui croyez-vous qu’ils l’aient réſervée ? C’eſt pour le Père : car c’eſt ainſi qu’ils nous appellent ; & en effet ce ſont nos enfans. Notre préſence ſuſpend leurs querelles. Un ſouverain ne dort pas plus sûrement au milieu de ſes gardes que nous au milieu de nos ſauvages. C’eſt a coté d’eux que je veux aller finir mes jours ».

Avec cet eſprit, les Jéſuites avoient ſurmonté ſur l’Amazone des obſtacles qui paroiſſoient invincibles. Leur miſſion, commencée en 1637, réuniſſoit en 1766 dix mille habitans diſtribués en trente-ſix bourgades, dont douze étoient ſituées ſur le