Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v6.djvu/186

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chaînes, obtiennent nos ſecours & notre pitié. Des malheurs même imaginaires, nous arrachent de§ larmes dans le ſilence du cabinet & ſur-tout au théâtre. Il n’y a que la fatale deſtinée des malheureux nègres qui ne nous intéreſſe pas. On les tyranniſe, on les mutile on les brûle, on les poignarde ; & nous l’entendons dire froidement & ſans émotion. Les tourmens d’un peuple à qui nous devons nos délices ne vont jamais juſqu’à notre cœur.

L’état de ces eſclaves, quoique par-tout déplorable, éprouve quelque variation dans les colonies. Celles qui jouiſſent d’un ſol étendu, leur donnent communément une portion de terre qui doit fournir à tous leurs beſoins. Ils peuvent employer à ſon exploitation une partie du dimanche, & le peu de momens qu’ils dérobent les autres jours au tems de leurs repas. Dans les iſles plus reſſerrées, le colon fournit lui-même la nourriture, dont la plus grande partie a paſſé les mers. L’ignorance, l’avarice ou la pauvreté, ont introduit dans quelques-unes un moyen de pourvoir à la ſubſiſtance des nègres, également deſtructeur pour les