Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v6.djvu/288

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C’eſt de cet eſclavage des nègres, que les Créoles tirent peut-être en partie un certain caractère, qui les fait paroître bizarres, fantaſques, & d’une ſociété peu goûtée en Europe. À peine peuvent-ils marcher dans l’enfance, qu’ils voient autour d’eux des hommes grands & robuſtes, deſtinés à deviner, à prévenir leur volonté. Ce premier coup-d’œil doit leur donner d’eux-mêmes l’opinion la plus extravagante. Rarement exposés à trouver de la réſiſtance dans leurs fantaiſies, même injuſtes, ils prennent un eſprit de préſomption, de tyrannie & de mépris, pour une grande portion du genre-humain. Rien n’eſt plus inſolent que l’homme qui vit preſque toujours avec les inférieurs : mais quand ceux-ci ſont des eſclaves, accoutumés à ſervir des enfans, à craindre juſqu’à des cris qui doivent leur attirer des châtimens, que peuvent devenir des maîtres qui n’ont jamais obéi, des méchans qui n’ont jamais été punis, des fous qui mettent des hommes à la chaîne ?

Une idolâtrie ſi cruellement indulgente, donne aux Américains cet orgueil qu’on doit haïr en Europe, où plus d’égalité