Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v7.djvu/24

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n’auroit-il pas été auſſi ſage que l’autre a été funeſte ; & n’en ſeroit-il pas de l’étendue des empires ainſi que de la population ? Un grand empire & une grande population peuvent être deux grands maux. Peu d’hommes, mais heureux ; peu d’eſpace, mais bien gouverné. Le ſort des petits états eſt de s’étendre ; celui des grands de ſe démembrer.

L’accroiſſement de puiſſance que la plupart des gouvernemens de l’Europe ſe ſont promis de leurs poſſeſſions dans le Nouveau-Monde, m’occupe depuis trop long-tems, pour que je ne me fois pas demandé ſouvent à moi-même, pour que je n’aie pas demandé quelquefois à des hommes plus éclairés que moi, ce qu’on devoit penſer d’établiſſemens formés à ſi grands frais & avec tant de travaux dans un autre hémiſphère.

Notre véritable bonheur exige-t-il la jouiſſance des choſes que nous allons chercher ſi loin ? Sommes-nous deſtinés à conſerver éternellement des goûts auſſi factices ? L’homme eſt-il né pour errer continuellement entre le ciel & les eaux ? Eſt-il un oiſeau de paſſage, ou reſſemble-t-il aux autres animaux, dont la plus grande excurſion eſt très-limitée ?