Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v7.djvu/25

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Ce qu’on retire de denrées peut-il compenſer avec avantage la perte des citoyens qui s’éloignent de leur patrie pour être détruits, ou par les maladies qui les attaquent dans la traversée, ou par le climat à leur arrivée ? À des diſtances auſſi grandes, quelle peut être l’énergie des loix de la métropole ſur les ſujets, & l’obéiſſance des ſujets à ces loix ? L’éloignement des témoins & des juges de nos actions, ne doit-il pas amener la corruption des mœurs, & avec le tems le déclin des inſtitutions les plus ſages, lorſque les vertus & la juſtice, leurs baſes fondamentales, ne ſubſiſtent plus ? Par quel lien ſolide une poſſeſſion, dont un intervalle immenſe nous sépare, nous ſera-t-elle attachée ? L’individu, dont la vie ſe paſſe à voyager, a-t-il quelque eſprit de patriotiſme ; & de tant de contrées qu’il parcourt, en eſt-il une qu’il continue à regarder comme la ſienne ? Des colonies peuvent-elles s’intéreſſer à un certain point aux malheurs ou à la proſpérité de la métropole, & la métropole ſe réjouir ou s’affliger bien ſincèrement ſur le ſort des colonies ? Les peuples ne ſe ſentent-ils pas un penchant violent à ſe gouverner eux--