Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v7.djvu/333

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à toutes les cours, mais plus familier chez une nation où la galanterie donne aux femmes un aſcendant univerſel, fit de tout tems parvenir aux grandes places en Amérique, des hommes ſans mœurs, chargés de dettes & de vices. Le miniſtère, par un reſte de pudeur, craignant de les élever ſur le théâtre même de leur déſhonneur, les envoya réparer ou cimenter leur fortune au-delà des mers, où leurs déſordres n’étoient pas connus. Une compaſſion mal entendue, une fauſſe maxime de cour, qui ſuppoſe la fourberie néceſſaire & les fripons utiles, fit ſacrifier de ſang-froid à des brigands dignes des priſons, la tranquilité des cultivateurs, la sûreté des colonies, l’intérêt même de l’état. Ces miniſtres de rapine & de débauches, étouffèrent les germes du bien, & retardèrent la proſpérité qui naiſſoit d’elle-même.

La puiſſance abſolue porte dans ſa nature un poiſon ſi ſubtil, que les deſpotes même qui s’embarquoient pour l’Amérique avec des vues honnêtes, ne tardoient pas à s’y corrompre. Quand l’ambition, l’avarice ou l’orgueil ne les auroient pas entamés, pouvoient-ils réſiſter à la flatterie, qui ne manque