Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v7.djvu/420

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On ſe prend corps à corps. Les deux champions, adroits & vigoureux, luttent quelques momens avec des ſuccès variés. L’eſclave terraſſe à la fin ſon inflexible ennemi, le met hors d’état de ſortir de cette ſituation fâcheuſe, & lui portant un poignard ſur le ſein, lui tient ce diſcours :

« Maître, j’ai été élevé avec vous. Vos plaiſirs ont été les miens. Jamais mon cœur ne connut d’autres intérêts que les vôtres. Je ſuis innocent de la petite faute dont on m’accuſe ; & quand j’en aurois été coupable, vous auriez dû me la pardonner. Tous mes ſens s’indignent au ſouvenir de l’affront que vous me prépariez ; & voici par quels moyens je veux l’éviter ». En diſant ces mots, il ſe coupe la gorge, & tombe mort ſans maudire un tyran qu’il baigne de ſon ſang.

Dans la même iſle, l’amour & l’amitié ſe ſont ſignalés par une tragédie, dont la fable & l’hiſtoire n’avoient point encore fourni l’exemple.

Deux nègres, jeunes, bien faits, robuſtes, courageux, nés avec une âme rare, s’aimoient depuis l’enfance. Aſſociés aux mêmes travaux,