Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v7.djvu/474

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Pour empêcher ou punir les révoltes que doit exciter la dureté de la ſervitude, il faut des ſupplices, des châtimens, des loix atroces contre des hommes qui le ſont devenus.

Mais enfin la cruauté même a ſon terme dans ſa nature deſtructive. Un moment ſuffit ; une deſcente heureuſe à la Jamaïque y peut faire paſſer des armes à des hommes qui ont l’âme ulcérée, & le bras levé contre leurs oppreſſeurs. Le François qui ne ſongera qu’à nuire à ſon ennemi, ſans prévoir que la révolte des nègres dans une colonie les peut ſoulever dans toutes, ira hâter une révolution pendant la guerre. L’Anglois placé entre deux feux perdra ſa force, ſon courage, & laiſſera la Jamaïque en proie à des eſclaves & à des conquérans, qui ſe la diſputeront par de nouvelles horreurs. Voilà l’enchaînement de l’injuſtice. Elle s’attache à l’homme par des nœuds qui ne ſe rompent qu’avec le fer. Le crime engendre le crime ; le ſang attire le ſang, & la terre demeure un théâtre éternel de déſolation, de larmes, de misère & de deuil, où les générations viennent ſucceſſivement ſe baigner dans le carnage, s’arracher les entrailles, & ſe renverſer dans la pouſſière.