Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v8.djvu/148

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Mais ſi ce commerce ne produiſoit rien au roi, l’on peut douter qu’il fut beaucoup plus avantageux aux ſauvages, quoique l’or & l’argent n’en fuſſent point le ſigne dangereux. En échange de leurs pelleteries, ils recevoient à la vérité des ſcies, des couteaux, des haches, des chaudières, des hameçons, des aiguilles, du fil, des toiles communes, de groſſes étoffes de laine, premiers inſtrumens ou gages de la ſociabilité. Mais on leur vendoit auſſi ce qui leur eût été préjudiciable, même à titre de don & de préſent, des fuſils, de la poudre, du plomb, du tabac, & ſur-tout de l’eau-de-vie.

Cette boiſſon, le préſent le plus funeſte, que l’ancien-monde ait fait au nouveau, n’eut pas plutôt été connue des ſauvages, qu’elle devint l’objet de leur plus forte paſſion. Il leur étoit également impoſſible, & de s’en abſtenir, & d’en uſer avec modération. On ne tarda pas à s’apercevoir qu’elle troubloit leur paix domeſtique ; qu’elle leur ôtoit le jugement ; qu’elle les rendoit furieux ; qu’elle portoit les maris, les femmes, les pères, les mères, les en-