Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v8.djvu/361

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n’a pas des maiſons bien fermées, ni des foyers commodes ; mais ſes fourrures lui ſervent de toît, de vêtement & de poële. Il ne travaille que pour ſa propre utilité, dort quand il eſt fatigué, ne connoît ni les veilles, ni les inſomnies. La guerre eſt pour lui volontaire. Le péril, comme le travail, eſt une condition de ſa nature, & non une profeſſion de ſa naiſſance, un devoir de la nation, non une ſervitude de famille. Le ſauvage eſt sérieux, & point triſte : on voit rarement ſur ſon front, l’empreinte des paſſions & des maladies qui laiſſent des traces ſi hideuſes ou ſi funeſtes. Il ne peut manquer de ce qu’il ne déſire point, ni déſirer ce qu’il ignore. Les commodités de la vie ſont la plupart des remèdes à des maux qu’il ne ſent pas. Les plaiſirs ſont un ſoulagement des appétits, que rien n’excite dans ſes ſens. L’ennui n’entre guère dans ſon âme, qui n’éprouve ni privations, ni beſoin de ſentir ou d’agir, ni ce vuide créé par les préjugés de la vanité. En un mot, le ſauvage ne ſouffre que les maux de la nature.

Mais l’homme civilisé, qu’a-t-il de plus heureux ? Sa nourriture eſt plus ſaine & plus