Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v8.djvu/47

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les préjugés & violée par des actes de force, leur tenoit lieu de préceptes de morale, & d’ordonnance de police. La concorde & la sûreté ſe maintenoient ſans l’entremiſe du gouvernement. Jamais l’autorité ne bleſſoit ce puiſſant inſtinct de la nature, l’amour de l’indépendance, qui, éclairé par la raiſon, produit en nous celui de l’égalité.

De-là, ces égards, que les ſauvages obſervent réciproquement entre eux. Ils ſe prodiguent des marques d’eſtime, par un retour de celle que chacun exige pour ſoi-même. Prévenans & réſervés, ils pèſent leurs paroles, ils écoutent avec attention. Leur gravité, qu’on prendroit pour de la mélancolie, eſt ſur-tout remarquable dans leurs aſſemblées nationales. Chacun y harangue à ſon tour, ſelon ſon âge, ſon expérience & ſes ſervices. Jamais on n’eſt interrompu, ni par un reproche indécent, ni par un applaudiſſement déplacé. Les affaires publiques y ſont maniées avec un déſintéreſſement inconnu dans nos gouvernemens, où le bien de l’état ne ſe fait preſque jamais que par des vues perſonnelles ou par eſprit de corps. Il n’eſt pas rare de voir un