Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v8.djvu/58

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plus d’enfans ? Dans quels pays l’amour fut-il une ſource d’héroïſme & de vertu, quand les femmes n’y encouragoient pas leurs amans par les refus de la pudeur, par la honte qu’elles attachoient aux foibleſſes de leur ſexe ? C’eſt à Sparte, c’eſt à Rome, c’eſt en France même, dans les tems de la chevalerie, que l’amour a fait entreprendre & ſouffrir de grandes choſes. C’eſt-là que ſe mêlant à l’eſprit public, il aidoit ou ſuppléoit au patriotiſme. Comme il étoit plus difficile de plaire toujours à une femme que d’en séduire pluſieurs, le règne de l’amour moral prolongeoit le pouvoir de l’amour phyſique, en le réprimant, en le dirigeant, en le trompant même par des eſpérances, qui perpétuoient les déſirs & conſervoient les forces. Mais cet amour qui jouiſſoit peu, produiſoit beaucoup. Aimer n’étoit pas un art ; c’étoit une paſſion. Engendrée par l’innocence même, elle ſe nourriſſoit de ſacrifices, au lieu de s’éteindre dans les voluptés.

Quant aux ſauvages, s’ils aiment moins les femmes que ne font les peuples policés ; ce n’eſt pas peut-être faute de vigueur & de