Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v8.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

puiſſe pas exiſter, ſans un parfait abandon de ſoi-même, ſans une entière renonciation à ſes intérêts perſonnels en faveur de la perſonne véritablement chérie.

Il n’eſt pas donné à tous les hommes de jouir des douceurs de l’amitié. Pluſieurs, à raiſon de la froideur & de la séchereſſe de leur caractère, ne peuvent ni l’éprouver, ni la faire naître. Comment entreroit-elle dans le cœur d’un riche ? Il n’eſt touché que de ſon opulence actuelle, du déſir de l’augmenter, de la crainte de la perdre. Il ne faut au puiſſant que des adulateurs dont l’œil timide n’oſe s’élever juſqu’à lui, des âmes avilies qui implorent baſſement ſa protection. Quel appas pourroit-il trouver dans une communication intime que la dernière claſſe des citoyens pourroit goûter auſſi-bien ou mieux que lui ? L’homme diſſipé eſt également incapable d’affections profondes & durables : le faſte, la variété des plaiſirs ; c’eſt tout ce qui l’occupe. Ses jouiſſances ſont extérieures ; ſon âme n’entre pour rien dans ſes attachemens.

Chez les ſauvages, l’amitié n’eſt jamais altérée par cette foule d’intérêts opposés