Page:Raynal - La Cigale et la Fourmi, 1853.djvu/10

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ZINGARINE, avec résignation.

Madame, par pitié, reprenez votre ouvrage !

Forte dans le malheur, je suis faible à l’outrage.

Sans doute j’ai des torts dont le ciel me punit :

Je ne me plaindrai pas ; que son nom soit béni !

Pardonnez à l’excès d’une humeur familière.

Je rêvais d’un abri la couche hospitalière :

Sous une gaîté feinte, à vous m’offrant d’abord,

De votre seuil à peine ai-je franchi le bord

Que je sentis monter, en mes vives alarmes,

À mon front la rougeur et dans mes yeux des larmes.

Je reprends de mes pas le cours aventureux.

(Tendrement à Flageolin :)

Vous dont le cœur est bon, enfant, soyez heureux !

FLAGEOLIN, dans le plus grand trouble.

J’ai dix sous : les voilà !

ZINGARINE.
Non ; la faim m’est égale.

Je retourne au soleil imiter la Cigale.

FLAGEOLIN, s’efforçant de rire.

Au moins partageons-les…

ZINGARINE.
Non, mon aimable ami :

La Cigale, en pleurant, prîra pour la Fourmi !

Hippolyte RAYNAL.
Bordeaux. — Impr.de Mme veuve Crugy.