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CHARLES BAUDELAIRE

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Pourtant Baudelaire ne se soucie point d’être confondu avec le professionnel homme de lettres. Il aurait horreur d’écrire par métier. Composer des vers n’est pour lui qu’un moyen de parfaire le dandy qu’il veut être ; c’est un signe de distinction, de supériorité ; c’est un surcroît d’élégance ; une fleur à la boutonnière.

Son ambition, c’est d’utiliser ses loisirs à s’affiner par la méditation, à cultiver sa sensibilité, à s’accroître intérieurement d’une riche moisson spirituelle.

Il ne faut pas voir dans le dandysme de Baude-

    « Il adviendra de ce Baudelaire ce qu’il est advenu de Petrus Borel. On disait : Quand il paraîtra, Hugo n’existera plus. Il a paru. Ce n’était rien. »

    Peut-être Gautier se vengeait-il d’avoir lu dans l’Écho des Théâtres (26 août 1846) ces lignes signées de Baudelaire :

    « Théophile Gautier est un banal enfileur de mots. Gros, paresseux, lymphatique, il n’a pas d’idées et ne fait qu’enfiler et perler des mots à la manière des colliers d’osages. »

    Ô ironie de la destinée ! ces deux hommes qui se détestaient cordialement en arriveront, pour avoir joué, un jour, devant la galerie, la comédie de l’admiration mutuelle, à passer à la postérité, liés d’une étreinte indissoluble.

    On sait que Gautier ne jugea pas à propos de se déranger pour l’enterrement de Baudelaire. Son absence aux obsèques fit scandale.

    Ceux qui savent lire entre les lignes ne manqueront pas de saisir cette hostilité latente sous les fleurs dont ils se couvrent réciproquement, tant dans la préface de Gautier que dans l’article de Baudelaire sur Gautier « aux prunelles félines ».

    La diatribe de Baudelaire, l’École Païenne (1853), est dirigée contre Gautier.