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ET LA RELIGION DU DANDYSME

tance que Baudelaire donnait à la toilette. Il en fait une question de moralité. Sa préoccupation est l’harmonie des couleurs. Courbet (Musée de Montpellier) nous le montre en élégant costume marron, cravaté d’éclatant jaune d’or sur une chemise bleu pâle. Baudelaire s’était dessiné une forme d’habit dont la nouveauté avait stupéfié Nadar à leur première rencontre, par une après-midi ensoleillée, dans le jardin du Luxembourg.

C’était un habit noir, très évasé du torse d’où la tête de Baudelaire sortait comme une fleur sort d’un cornet, et à basques infinitésimales (on les portait alors très larges), amenuisées en sifflet. Baudelaire se prévalait, ce jour-là, d’un pantalon noir sanglé par le sous-pied, de bottes irréprochablement vernies, d’un col de chemise et de manchettes de linge blanc, sans empois, aux apparences de mousseline, et d’une cravate rouge sang de bœuf. Il était ganté de rose pâle.

La préciosité de ses gestes avait également impressionné Nadar qui nous dit :

Baudelaire procédait, dans sa marche, par saccades des articulations, ainsi que les petits acteurs en bois du sieur Séraphin, semblant choisir, pour chacun de ses pas, la place, comme s’il marchait entre des œufs ou qu’il craignît, par ce sable innocent, de compromettre le luisant de ses chaussures.