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ET LA RELIGION DU DANDYSME

les détails de sa vie connus de tous, son procès (1858), son essai de candidature à l’académie (1861), son séjour en Belgique (1864) où il était allé faire des conférences qui n’eurent aucun succès et d’où il ne rapporta qu’un excès d’indigence et les éléments d’un livre indigne de lui. Ce n’était déjà plus que l’ombre de lui-même. Il faut suivre dans ses Notes, d’heure en heure, le progrès du mal, le déclin de cette noble intelligence, de ce libre génie, à mesure envahi de paralysie cérébrale, étouffé d’inextricables embarras d’argent. Quelle lamentable image que celle de ce Baudelaire défaillant, sombré dans les pratiques d’une dévotion puérile, réduit pour vivre à concevoir des projets de vaudeville, à faire appel à la charité de son entourage, et quelle plus lamentable image encore que celle du Baudelaire en traitement dans la maison de santé de la rue du Dôme, du Baudelaire aphasique, à qui il reste juste assez de conscience pour mesurer l’étendue de son désastre et dont tous les élans de colère ou de ferveur, pressés de se faire jour en paroles, ne trouveront pour s’exprimer, jusqu’à sa


    d’aller le chercher à la maison de santé et l’amenait chez lui, le premier soin de Baudelaire, en arrivant, était de se laver à grande eau, à grand renfort de brosses et de savon, bien qu’il n’en eût pas besoin. Il manifestait une joie enfantine à considérer ses mains blanches, aux ongles soignés, et à les agiter devant la fenêtre, pour y faire jouer la lumière.