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Page:Raynaud - Baudelaire et la Religion du dandysme, 1918.djvu/33

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ET LA RELIGION DU DANDYSME

La grande fête de l’année, c’est la promenade du bœuf gras. Tout se rapetisse à la mesure du nombre. L’ère nouvelle s’ouvre, peu reluisante : du café-concert, de l’apéritif, du ruolz et du roman-feuilleton. L’insuffisance des nouveaux riches, le travers des parvenus fournit des armes à la satire. Les types consacrés de l’époque : le garde national, le concierge, la lorette, vont offrir une mine inépuisable d’épigrammes aux chansonniers et de quolibets à Gavroche. Le ridicule abonde. Daumier, Gavarni, Traviès sont aux aguets. C’est l’âge d’or de la caricature. La charge et le rapin sont nés.

Sus au bourgeois ! devient le cri de ralliement des cénacles. Théophile Gautier brandit son gilet rouge comme un épouvantail à bœufs. Joseph Prudhomme est l’ennemi. On le persécute ; on le crible d’une mitraille de sarcasmes. On le bafoue jusqu’au scandale.

Baudelaire s’emploie à ce jeu avec un entrain féroce. Il a non seulement l’Idéal à défendre et l’hypocrisie à démasquer, il a aussi un compte personnel à régler.

Il sent l’aiguillon de l’infini, il est inquiet ; ces notaires à breloques, ces boutiquiers à faux toupets, ces chasseurs d’Afrique chamarrés, satisfaits d’eux-mêmes, ne s’embarrassent point de scrupules, jouissent de l’air du temps et forniquent sans re-