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ET LA RELIGION DU DANDYSME

proportion d’âge et le manque d’affinités de ses parents suffirait pour expliquer son déséquilibre nerveux, son étrange nature, capricieuse, inquiète, mélange de ferveur et d’impuissance, toute d’élans repliés par une veine sarcastique. Mais il y a mieux. Baudelaire prétendait que ses ancêtres, « idiots ou maniaques », étaient morts « victimes de terribles passions ». Si les dires de Baudelaire sont sujets à caution et si ce propos ne paraît pas s’appliquer à ses ancêtres paternels (son père, ami de Condorcet, d’Helvetius, de Cabanis et des Choiseul-Praslin, était selon toute vraisemblance un homme sain et paisible), il n’en va pas de même du côté maternel. Sa mère, Mlle  Caroline Dufais, née d’une famille échouée à Londres, presque sans ressources, à la suite d’on ne sait quelles aventures, et morte elle-même d’une maladie nerveuse (paralysie générale) pouvait bien être atteinte d’une tare atavique que Baudelaire aurait reçue à son tour en naissant.

Quoi qu’il en soit, Baudelaire était un malade de la volonté. Ses vers le prouvent où il se gourmande sans cesse de son impuissance. Il s’avoue, dans son journal, « un paresseux nerveux », ayant, à la fois, « l’horreur et l’extase de la vie ». Au reste, il s’est analysé lui-même dans la Fanfarlo sous les traits de Samuel Cramer ; voici ce qu’il en dit :