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Page:Raynaud - Baudelaire et la Religion du dandysme, 1918.djvu/42

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CHARLES BAUDELAIRE

C’est à la fois un grand fainéant, un ambitieux triste, et un illustre malheureux ; car il n’a guère eu dans sa vie que des moitiés d’idées. Le soleil de la paresse, qui resplendit sans cesse au dedans de lui, lui vaporise et lui mange cette moitié de génie dont le ciel l’a doué.

Il parle encore de « nature ténébreuse, bariolée de brefs éclairs — paresseuse et entreprenante à la fois — féconde en desseins difficiles et en risibles avortements ». Il insiste sur son côté « comédien ».

Il jouait pour lui-même d’incomparables tragédies ou, pour mieux dire, tragi-comédies.
§

Tout Baudelaire est dans ces lignes ; mais ce qui nous les rend si émouvantes, c’est leur valeur symbolique. On y saisit les symptômes du mal dont le monde se mourait, hier : vanité, désordre, impuissance. C’est le mal du siècle.

Qu’avions-nous besoin, tout à l’heure, de faire appel aux documents secrets, aux archives de famille de Baudelaire, de fouiller dans ses ascendances pour y trouver l’explication de son détraquement nerveux ? Les aïeux dont il porte la tare, nous les connaissons. C’est René, c’est Lara, c’est Manfred, c’est Werthier. Ce sont eux qui, debout, sur le seuil du siècle, en tiennent l’âme entre leurs mains et vont la marquer de leur empreinte. Voilà les sources de son génie désespéré ! Voilà ceux