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Page:Raynaud - Baudelaire et la Religion du dandysme, 1918.djvu/46

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CHARLES BAUDELAIRE

fortifiez-moi, soutenez-moi, éloignez de moi le mensonge et les vapeurs complices du monde, et vous, Seigneur mon Dieu, accordez-moi la grâce de produire quelques beaux vers qui me prouvent à moi-même que je ne suis pas le dernier des hommes et que je ne suis pas inférieur à ceux que je méprise.

Il appelle la Douleur comme un moyen de purification, le salut.

Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la souffrance
Comme un divin remède à nos impuretés.

Là est sa note poignante et sincère, et non quand il affecte un rictus sarcastique, un endurcissement coupable, un orgueil de damné ; non quand il se fait gloire d’être « un faux accord dans la divine symphonie », attitude si inconciliable avec ses élans de ferveur, ses crises de contrition soudaine, qu’il éprouve le besoin de s’en expliquer en disant qu’il a dû « façonner son esprit à tous les sophismes ».

Il faut, au risque regrettable de contrister quelques-uns de ses plus ésotériques fervents, avoir le courage de déblayer toute cette défroque byronienne, tout ce satanisme d’emprunt, tout ce côté factice et déjà démodé du talent de Baudelaire, pour arriver à sa vraie personnalité, à son trait éternel, à la part vivante et durable de son génie.