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et la religion du dandysme

d’entrain trivial, bas, populacier, une « vivandière de Faunes ». En regard des vers de Baudelaire, cette affirmation nous gêne. On voudrait l’écarter, mais il faut bien avouer que Mme  Sabatier a fourni à Clésinger l’idée de sa « bacchante ». C’est en bacchante qu’il l’a vue et qu’il l’a traduite aux splendeurs du marbre. Son œuvre témoigne, du moins, de la sculpturale beauté du modèle que tout Paris reconnut, paraît-il, ce qui déchaîna, pendant huit jours, une fureur de commentaires passionnés aux environs de la Madeleine et du Passage des Panoramas. Et il y a aussi le portrait que Meissonnier nous a laissé d’elle. Nous y retrouvons sa « face mutine et enjouée où le rire joue comme un vent frais dans un ciel clair ». Nous sommes éblouis par ce jaillissement de santé qui vient des bras et des épaules ; nous y retrouvons « les couleurs retentissantes » de ses toilettes, ces robes folles, « emblème de son esprit bariolé » ; mais le geste a quelque chose de trivial et de dégingandé. Ce poing sur la hanche trahit la vivandière. Il cadre mal avec l’idée que nous étions en train de nous faire d’une créature de rêve.

La situation irrégulière de Mme  Sabatier ne lui permettait pas d’être prude. Elle était habituée aux propos cyniques. Son amant Mosselmann, carré et brutal en affaires, se souciait peu des euphémismes