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et la religion du dandysme

tateur eut le désir très vif de connaître « l’étrange déité, brune comme les nuits », et se présenta chez elle.

Jeanne Duval demeurait alors rue Saint-Georges, 15 ou 17, en face l’hôtel Aubert, au 2e étage sur la cour. Son appartement modeste était élégamment tapissé de perse, « étoffe alors très en faveur ». Elle vivait seule en compagnie d’une femme de chambre, jolie, blonde.

Elle agréa le visiteur sans sauvagerie et lui laissa entendre, à la fin de l’entrevue, qu’il pourrait revenir quand bon lui semblerait, sauf de 2 à 4 » qui était l’heure de « Monsieur ». En apprenant ce détail, le quidam craignit de s’être engagé dans une aventure fâcheuse, et manifesta quelque appréhension des inconvénients qui pouvaient s’en suivre. Jeanne Duval s’esclaffa. La réflexion lui parut si imprévue qu’elle appela incontinent sa femme de chambre pour lui en faire part. L’effet fut irrésistible. La domestique partit à son tour d’un sonore éclat de rire. Et toutes deux de s’employer à rassurer le timoré. Non seulement il n’avait rien à craindre de « Monsieur » en cas de surprise, mais c’était un rival dont on ne pouvait concevoir même une ombre de jalousie, tant il exigeait peu des femmes. C’était un doux rêveur inoffensif, un maniaque, un poète dont toute la flamme