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Page:Raynaud - Baudelaire et la Religion du dandysme, 1918.djvu/64

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charles baudelaire

s’épuisait en rimailleries et, pour appuyer leurs dires, ces dames sortirent d’un tiroir une liasse de billets doux entremêlés de vers. Il suffit d’un simple coup d’œil au quidam, habitué des cénacles, pour se convaincre que le rêveur inoffensif, le doux maniaque, celui dont ces deux péronnelles se gaussaient si fort, bien qu’elles tirassent leur bien-être de ses libéralités, c’était Baudelaire.

Baudelaire demeurera jusqu’au bout le bienfaiteur de cette femme indigne. Il se laissera, jusqu’au bout, exploiter par elle, et par son frère, un misérable drôle, sans scrupules, empressé à profiter de l’aubaine. Aujourd’hui (1842), Baudelaire est riche assez pour satisfaire à ses caprices ; mais, demain, privé même du nécessaire, il continuera à rogner sur ses maigres ressources pour subvenir à ses besoins. Malade, il la fera soigner à l’hôpital ; il ne l’abandonnera pas, même déchue, roulée à l’ivrognerie. Il sait qu’elle se soucie peu de lui, qu’elle n’en veut qu’à sa bourse. Il la maudira, mais il restera lié à elle comme le forçat à sa chaîne,

Comme au jeu le joueur têtu,
Comme à la bouteille l’ivrogne.

Mme Aupick pourra écrire à Asselineau, au lendemain de la mort de Baudelaire :