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et la religion du dandysme


La vue de ces dessins m’a mis sur des pentes de rêverie immense à peu près comme un livre obscène nous précipite vers les océans mystiques du bleu. Bien des fois je me suis pris à désirer devant ces innombrables échantillons du sentiment de chacun, que le poète, le curieux, le philosophe pussent se donner la jouissance d’un Musée de l’Amour, où tout aurait sa place, depuis la tendresse inappliquée de sainte Thérèse jusqu’aux débauches sérieuses des siècles ennuyés.

Le génie sanctifie toute chose et si ces objets étaient traités avec le soin et le recueillement nécessaires, ils ne seraient point souillés de cette obscénité révoltante qui est plutôt une fanfaronnade qu’une vérité…

Les sujets de cette nature sont chose si importante qu’il n’est point d’artiste, petit ou grand, qui ne s’y soit appliqué secrètement ou publiquement depuis Jules Romain jusqu’à Devéria et Gavarni.

Leur grand défaut est de manquer de naïveté et de sincérité.


Le procès que certains voudraient intenter à Baudelaire se ramène donc au procès de la Connaissance. Puisque la Science est une dévoratrice d’illusions, le bonheur de l’humanité s’oppose-t-il à sa divulgation ? N’est-il pas préférable que le troupeau des esprits soit conduit en lisière et condamné à une éternelle enfance ? Là est toute la question, mais, résolue même par l’affirmative, il s’agirait encore de savoir si le Poète a une action directe sur les foules et s’il ne s’adresse pas seule-