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Page:Raynaud - Baudelaire et la Religion du dandysme, 1918.djvu/74

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dissemblables, s’ils l’abordent sans parti-pris, sont sûrs d’y trouver leur récompense. Il plaît « aux amoureux fervents comme aux savants austères ». S’il a les charmes de l’horreur qui n’enivrent que les forts, il a aussi le don des larmes et les attendrissements soudains qui vont droit au cœur et conquièrent les simples. Il éblouit les néo-païens par la splendeur du Verbe et le rappel


de ces époques nues.
Dont Phœbus se plaisait à dorer les statues.


Les écrivains y reçoivent une leçon de style et de cadence. Il n’est pas jusqu’aux âmes innocentes qui n’y respirent un parfum d’églogue et qui n’y retrouvent l’image du « vert paradis des amours enfantines ».

On nous prédit, pour demain, un bouleversement général des idées et des mœurs amené par la guerre, et le rétablissement d’un état d’esprit auquel Baudelaire aura cessé de correspondre. Je le souhaite plus ardemment que tout autre, car nous aurions alors rétabli la félicité de l’Age d’or.

Baudelaire vivra tant que l’humanité comptera des inquiets, des malades de spleen et des chercheurs d’infini. Son règne durera tant que nous verrons, plongées dans l’enfer luxurieux des villes, des âmes nobles mais désarmées, aussi incapables