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Page:Raynaud - Ch. Baudelaire, 1922.djvu/27

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recueillir un sou vaillant de sa famille. S’il put entreprendre et achever ses études, c’est sans doute que ses bonnes dispositions lui avaient valu l’assistance de quelque notable de l’endroit. Nous savons que son destin était de se concilier les gens et de se recruter, partout, d’agissantes sympathies. Il était né protégé. Ces bonnes fortunes sont d’ailleurs assez fréquentes dans les annales de l’ancienne France pour ne pas nous étonner. Sans sortir du temps de François Baudelaire ni même du cercle de ses relations, nous voyons comment ont pu s’instruire les Monge, les Vauquelin, les Bonvoisin, les Naigeon, les Peyron, tous nés dans une condition misérable et qui trouvèrent sur leur route une main obligeante. Sous l’ancien régime, il n’était pas rare de voir la protection des châteaux acquise aux intelligences éveillées et aux talents naissants. Il y avait surtout le curé du village.

L’histoire a gardé le nom de ce brave curé Besson à qui nous devons Prud’hon et qui l’avait recommandé au baron de Joursanvault, autre ami éclairé des arts.

Souvent, disent les Goncourt, le prêtre s’attache à l’enfant par une protection paternelle, par une paternité morale. Beaucoup des gloires de l’ancienne France, la France les doit à ce besoin d’adoption de l’homme qui vit dans le célibat et ne peut être père[1].

Il est donc tout naturel que Fr. Baudelaire ait trouvé son curé Besson. Et il se peut encore qu’il ait été élevé gratuitement dans un séminaire en vue de la prêtrise. Cette dernière hypothèse est la plus vraisemblable. Elle expliquerait le mot du poète des Fleurs du Mal rapporté par Ernest Prarond : « Mon père avait porté la soutane, » et l’insolite exclamation dont il éberluait à tout bout de champ ses auditeurs : « Moi qui suis fils de prêtre, » et elle expliquerait encore que François Baudelaire, après avoir renoncé aux ordres, faute de se découvrir la vocation suffisante, soit

  1. Les Goncourt, l’Art au XVIIIe siècle : Prud’hon. (Charpentier, édit.)