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Page:Raynaud - Chairs profanes, 1888.djvu/23

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Mieux qu’un breuvage et que la lune, aux cieux fleuris
Quand vient l’été, j’apaise instamment la torture,
Des longs désirs, meute altérée aux mille cris,
En m’y jetant résolument comme en pâture.

Je détiens le remède et l’oubli des douleurs
Sur ma gorge fardée et qu’assouplit une onde
Tiédie où l’on a fait infuser mille fleurs
D’un parfum si doux qu’il vous détache du monde.

Je sauve de l’amour fatal et soucieux
De celles dont les dents font d’atroces morsures
Et dont les yeux en fer de lance, dont les yeux
Ouvrent au cœur deux inguérissables blessures.

Et je me suis vouée à toute humilité,
Proclamant qui viendra, d’avance mon Idole,
Pour qu’il soit fait selon sa sainte volonté,
Et qu’il m’ait, chienne obéissante à sa parole.

Quelle torture épouvantable, ô doux Seigneur,
Que cet impérieux besoin qu’on a de plaire,
Que ces sourires, qui ne viennent pas du cœur
Et sous lesquels tous les dégoûts doivent se taire !