Page:Raynaud - La Mêlée symboliste, I, 1918.djvu/185

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« Eh bien, monsieur Tailhade ! vous ne vous fatiguez pas trop, au moins !… »

De hautes vitrines étagent des ustensiles de chirurgie. Tous les instruments inventés pour la torture humaine sont là. L’acier luit avec un petit air ironique qui vous donne froid dans le dos. On songe à des opérations possibles ; un goût de pansements phéniqués persiste jusqu’à l’écœurement. Par les portes ouvertes, on voit des mains crisper furieusement les draps ; une toux obstinée claque dans un coin ; une porte s’ouvre ; un infirmier, les manches retroussées, passe dans un courant d’air, en sifflotant, et, par les hautes fenêtres, le soir tombe en pluie de cendres…

Tout à coup, un charme, une grâce, un rayon. C’est Marguerite Moréno qui s’avance, souple, onduleuse dans un long fourreau de laine noire. La voici près du convalescent. Elle s’informe. Aurait-elle donc connu, elle aussi, la morsure du fer, la hantise, l’obsession nauséeuse du chloroforme ? Elle évoque tout cela avec une telle précision que le poète, soulevé en avant, demande grâce du geste, mais avec un sourire. C’est que Mlle  Moréno a l’image saisissante, le mot coloré. Écoutez-la parler de son pays :

« La rue sent le pain de maïs chaud, l’huile