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Page:Raynaud - La Mêlée symboliste, I, 1918.djvu/189

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brouillard flotte et s’épaissit autour des choses : le froid aigu nous pénètre. Les réverbères glissent des reflets obscurs sur la boue des pavés. Des gueux en haillons se pressent vers la caserne de la Cité, où ils espèrent trouver un restant de gamelle. On sent comme une hostilité hargneuse dans l’allongement démesuré des masses de pierres voisines. La vieille cathédrale étire désespérément, aux bords du fleuve roulant des eaux sinistres, ses deux bras vers le ciel qu’on ne voit plus.

Heureusement, nous voici bientôt rue de Rivoli, rentrés dans la foule, dans les lumières, dans la vie. Des cafés illuminés grouillent d’une clientèle multiple et bruyante. Assis à l’une des tables, notre indignation de tout à l’heure fléchit et se fond dans une chaleur tiède. Dubois-Desaulle éprouve le besoin de conclure :

« Ce qu’il y a de bon dans tout cela, c’est que ça m’a permis d’écrire un livre ! »

Et je ne suis pas éloigné de lui donner raison. O bienheureux auteurs qui se consolent de leurs misères en les racontant. O bienheureux poètes qui, comme Henri Heine, de leurs grands désespoirs font, à l’adresse de la Postérité, de petites chansons.