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béantes, de grands yeux d’un bleu pâle dont les paupières sont sans cesse baissées ; elle croit ainsi se donner des airs de modestie et de sainteté, mais son visage a surtout une expression d’arrogance et de mépris. Elle est à peu près sourde, de sorte qu’il faut lui crier aux oreilles pour qu’elle entende ; et elle se fâche tout rouge quand elle n’entend pas. À force d’être tendues, ses oreilles forment deux larges tuyaux en dehors de sa coiffe, ce qui lui donne une figure si drôle qu’on ne peut pas s’empêcher de rire quand on la voit pour la première fois. Mais il faut s’observer quand on est en sa présence, car elle ne plaisante pas, et le martinet qu’elle porte toujours sous son bras rappelle à celles qui pourraient l’oublier qu’elle n’a point peur de punir les délinquantes. La pauvre petite Agathe Sifflet, la fille du fermier-général, qui est très timide et n’ose pas parler, doit presque tous les jours recevoir les caresses de ce terrible instrument, qui a dix branches de cuir, terminées par de gros nœuds et dont la Mère Sainte-Eugénie se sert avec une vigueur et une cruauté qui passent l’imagination.