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donne les plus grands soins. Je n’ai vu que chez monsieur de Vieillevile, fermier général, de si belles fleurs, et encore monsieur de Vieilleville serait-il jaloux de ses héliotropes. Mon Dieu ! les belles fleurs. Leur odeur mielleuse et pimentée me transportait. Sans Manon, je me fusse jetée à plat ventre parmi ces longues tiges violettes et embaumées. Mais Manon m’en a empêchée en me disant « qu’encore que je fusse une dame de la ville, la fermière pourrait très bien me battre, car elle tient plus à ses fleurs qu’à ma dignité et que si je lui déplaisais elle me trousserait et me claquerait le cul (ce sont les expressions de Manon), ni plus ni moins qu’une petite vachère. » J’ai eu peur de la paysanne, d’autant plus que lorsque nous sommes arrivées, elle venait justement de houssiner une grande fille qui sanglotait, tout en se frottant le derrière, tandis que son bourreau la considérait d’un œil brillant de cruauté, qui ne m’a point rassurée. « La méchante femme », ai-je dit tout bas à Manon, en lançant un coup d’œil de pitié à la pauvre enfant fessée. Il s’en est fallu de peu, sous prétexte que la fillette